Fût un temps pas si lointain où, ce que l’on exigeait de nous, se résumait au maniement d’un charme discret et bienveillant, plutôt qu’une efficacité redoutable. Nous menions de paisibles existences feutrées, en tenancières investies de foyers polissés, face à des gazons bien verts et des emplois du temps aussi soporifiques que vivables. Cela coïncidait à peu de chose près, avec l’âge d’or de Moulinex où quand, avec un bon maniement du robot, et deux gosses un minimum élevés et pas trop cons, nous remplissions globalement le contrat.

Puis chatouillées par cette relative et idiote théorie de l’égalité, quelques-unes ont voulu mettre le nez dehors et humer l’air des responsabilités. Nous avons alors assisté à une explosion d’hystériques montant sur des barricades pour y brûler leur soutien-gorge, avec le résultat que l’on connaît aujourd’hui, à savoir une flambée des prothèses mammaires visant à remonter tout le poids de la révolte. Et si nous pouvions faire « rewind », je suis navrée de dire que là était peut- être la première occasion que nous avions de fermer notre gueule et de rester tranquillement planquées dans la tanière. A notre décharge on ne prenait pas encore la mesure de ce luxe inouï qu’est l’oisiveté, le confondant volontiers avec l’ennui voire une forme d’insulte à égo.

Mais ce fût notre coup d’entrée dans la vie des hommes : il allait désormais falloir suivre et assumer. Car les femmes, sous l’égide du progrès, ont également pris un sacré coup de gourdin sur la tête pour muter en OGM de la jeune fille à la Perle et pour nous donner à peu près cela :

Ulla sous Xanax aux cordons de la bourse, misant sur l’envolée de la valeur « quiche – pouff » avec un léger recul de la « niaise – bitch » au profit de la « ni gourde – ni acquise ». Un enfant pluggé sur la hanche gauche, l’attaché-case sur la droite, puis, sous leurs tabliers : les couilles d’Iron Man.

Forcément, les hommes, en soulevant puis découvrant cela, ont été pris de panique, puis symboliquement castrés, se sont mis à parler comme sous hélium pour implorer la déesse Fookypu, la divinité du foot, du whisky et des putes. Cette dernière, au bord de l’implosion se mit à recevoir chaque jour un peu plus de courriers de types flirtant avec l’envie de nous finir, puis, d’en finir ensuite (éventuellement).

En voici un exemple :

« Chère Fookypu,

Je t’écris car aujourd’hui et pour la première fois, j’ai eu peur. Comme d’habitude j’ai commencé à rétrécir d’autant que l’ascenseur grimpait les cinq étages qui me séparent du temple de la folle (ma femme et mon appartement comme tu l’auras compris). Il n’y a désormais plus qu’à mon bureau où j’éprouve une forme de sérénité et de quiétude. Car lorsque je rentre le soir, je ne sais jamais ce que je vais trouver, mais une chose est certaine, je ne suis jamais déçu. Lorsque je passe la porte je me dirige immédiatement vers le frigo où j’attrape une bière que je dégoupille avec la frénésie qui jadis était mienne, lorsque j’éventrai son soutien gorge. Comme quoi, les temps changent…

Je bois avidement la première gorgée, qui fait descendre le niveau d’un bon tiers, et je peux alors et seulement, faire mon entrée au salon. C’est là que je hasarde un « bonjour », coincé et convenu comme celui que j’adresse aux gens qui m’emmerdent. Il n’en faut souvent guère plus pour m’attirer les foudres. Sa tête pivote alors en deux temps, façon poupée Chucky, et amorce le top départ de la chiasse verbale : ça déblatère, ça crie, ça argumente, ça fait des gestes avec les mains, ça hoche la tête, ça tape du pied, ça chougne, ça re-crie, ça s’répète (beaucoup) et généralement ça chiale, ce qui pour moi annonce le tie break !

Entre deux sanglots couplets, on me ressert l’éternel refrain comme quoi je ne comprends rien et que ça se lit sur ma gueule. C’est dans un souci de vérification que j’en profite pour aller à la salle de bain et terminer la bière en trois levées de coude. J’observe alors mon reflet dans le miroir pour voir à quoi ressemble un mec qui comprend rien. Dans sa bouche ça veut dire un con. Je ne trouve pas que ce soit plus marqué que d’habitude et c’est confiant que je repars ou plus précisément que j’y retourne. Je la passe alors en mode brouhaha pour encaisser la suite, qui est comme le début, ou peut être le milieu, avec quelques mots-clés tels la déception, l’inertie, la flemme ou le flegme…

C’est alors qu’elle se lève du canapé et que j’en profite pour mater son cul. Je me dis qu’il s’est un peu délité mais je commence à avoir une certaine dalle qui me fait dire que, dans un futur assez proche, je ne vais plus trop être en quête d’intelligence… Une semaine déjà que je me surprends à lorgner sur à peu près tout en servant ce même bonjour que plus haut, mais en y ajoutant la petite touche libidineuse qui va bien. C’est fou tout ce qu’on peut faire passer dans un « bonjour », comme avec ces mots chinois où vous prononcez juste un ché en cheu et que vos intentions s’en trouvent miraculeusement changées.

Pas plus tard que ce matin j’ai pu en mesurer les effets. Je ne me suis certes pas attaqué à la proie la plus coriace mais pas nécessairement la plus évidente. C’est comme essayer de viser un faon dans une enceinte de 2m2, on peut quand même rater son tir ! Et le faon c’est Ilda, la seule secrétaire au monde qui ne sait pas scanner un document, ce qui la rend divinement attrayante pour nous autres sale race, tandis que le sexe faible s’insurge, trouvant cela intolérable et allant même jusqu’à lancer une pétition contre Bambi.

Dieu que les femmes sont intransigeantes. Je voudrais bien les voir toutes autant qu’elles sont se retrouvant déracinées, sans aucun repère, en proie à un mari violent et devant tout reconstruire. Euuuhh, oui, enfin ça c’est ce qu’on essaye de se faire croire à nous-mêmes pour justifier toutes les saloperies qui nous passent par la tête. Mais comprends- moi Fookypu, c’est juste que les vraies bonasses déguisées en Causette, on ne les a pas à la maison et on en voudrait d’ailleurs pas. Ce genre de modèle prend tout son sel et son sens hors contexte quand, le temps d’une seconde, on se voit tendant la main, mais pas que(ue)…

Par contre n’allez surtout pas tenter d’expliquer le geste à vos moitiés, elles ne comprendraient pas. A commencer par la mienne qui m’a dit pas plus tard qu’hier que charité bien ordonnée commençait par elle-même. Tiens donc ! Et surtout, quand j’ai eu le toupet de relever la bévue sur la formule, elle est devenue dingue et le cap de l’agressivité physique nous avons franchi. Enfin elle, car moi j’ai préféré ne pas broncher ne sachant si j’allais pouvoir calibrer le retour raisonnablement. Pendant que des tapes pleuvaient, je me disais quelle jolie époque que celle où les femmes ne contredisaient pas les hommes, savaient d’instinct s’effacer pour aller préparer un repas chaud, comprenant que la journée avait été difficile… Aujourd’hui c’est Picard à table et au pieu : trois minutes de micro- ondes et vas y que je te sers le trophée à même la barquette.

Alors bien sur j’exagère un peu, mais on a bien retenu la leçon comme quoi il nous fallait désormais revendiquer d’avoir des femmes intelligentes. Le goujat flatteur de blanquette de veau est certes totalement has been, mais entre les deux n’y a-t-il pas quelque chose ?

Pour ma part un soupçon de candeur et de fragilité reste tout à fait appréciable. Et puis au- delà de tout, j’ai bien compris que le temps n’était pas notre allié. Je ne sais d’ailleurs lequel de nous deux est devenu con en premier, entrainant l’autre dans sa chute mais j’ai de fortes présomptions sur moi-même bien que je n’en montre rien…

Il faut bien avouer que les femmes sont des êtres à part frôlant l’extraordinaire. C’est juste qu’elles ont pris beaucoup de place d’un coup y compris celles qu’on croyait les nôtres et je me dis parfois : et si on nous avait prêté tout ce temps une suprématie de façade qu’il nous faut maintenant rendre ? Et il semblerait que pour ce faire, elles n’ont d’autre choix que de nous tirer sur la manche pour signaler la fin du bail. Quant à la la théorie du complot sur notre prétendu courage, elle est bel et bien en train de s’effondrer comme une Twin Tower, nous laissant hagard et à poil avec de vraies questions :

Faut-il avoir une place ou une vie ? Comment nous adapter sans nous renier, leur faire comprendre que jamais on ne se comprendra ? Enfin, faut-il les contenter plutôt que de les rendre heureuses, mais en sommes-nous seulement capables ?

Comme tu l’auras compris, il se joue une espèce de boggle d’idées dans ma petite tête. Je me demande encore si je suis le seul à éprouver un plaisir aussi différent qu’équivalent à me faire une douzaine d’huîtres avant un bon peep show, qu’a celui de d’emmener mes enfants visiter les écuries de Chantilly.

Mon fils de six ans eût d’ailleurs cette étonnante remarque lorsque, montrant une belle et fringante jument du nom de « Spanky », il dit reconnaître « maman ». Il scruta ensuite durant de longues secondes chaque canasson avant de désigner « papa » en la personne de « Ramsès le Grand », un mini Shetland dormant vautré dans le foin !

Il semblerait donc qu’on ne dupe plus personne ».